Aux origines du peuplement, quand le Québec sort des glaces
Il y a 15 000 ans, un immense glacier de plus d’un kilomètre d’épaisseur, appelé l’Inlandsis laurentidien, recouvre l’ensemble du Québec.
Puis, quelques 500 ans plus tard, le climat plus clément, permet le retrait graduel du glacier. Ce retrait s’opère sur des milliers d’années, à partir du sud du Québec et de la Gaspésie. La fonte des glaces entraîne la formation d’immenses plans d’eau, certains d’eaux salées : la mer de Goldthwait recouvre le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, la mer de Champlain les basses terres du Saint-Laurent, la mer de Tyrrel s’étend à l’est de la baie James et de la baie d’Hudson et la mer d’Iberville autour de la baie d’Ungava.
Suite au retrait marin, la végétation s’enracine et la faune parcourt ces terres nouvellement libérées. C’est alors qu’apparaissent, vers 12 000 ans avant aujourd’hui, les premiers groupes humains nomades, venus de l’ouest et du sud-est.
Leurs ancêtres avaient vraisemblablement emprunté le large isthme qui reliait l'Asie à l'Amérique avant que celui-ci ne soit recouvert par les eaux il y a environ 14 000 ans. Chassant dans les régions libres de glaces d'Alaska et du Yukon jusqu'à il y a environ 13 000 ans, ils purent ensuite se frayer un chemin dans un corridor formé par le retrait des glaces.
Qui sont les premiers occupants du Québec?
Les archéologues appellent ces groupes de chasseurs amérindiens, qui pénètrent dans la vallée du Saint-Laurent au moment où la mer de Champlain se retire, les Paléoindiens. Le climat est rude et le paysage ressemble beaucoup à celui qu’on trouve en milieu nordique, un paysage de toundra, la terre sans arbre! À la poursuite des hardes de caribous, ils explorent lentement le territoire québécois au fur et à mesure qu’il se libère des glaces et devient habitable. Ils vivent probablement en petites communautés très mobiles et se déplacent sur de longues distances. Un des éléments le plus caractéristique de leur outillage est la pointe de projectile à cannelure, appelée pointe Clovis. En 2003, plusieurs fragments de ce type d’arme de chasse ont été découverts sur un site archéologique près du lac Mégantic, en Estrie, le site Cliche-Rancourt. C’est le seul endroit à ce jour au Québec ayant révélé une occupation humaine remontant à 12 000 ans, la période dite du Paléoindien ancien.
La période du Paléoindien récent, qui couvre environ 2 000 ans, soit de 10 000 à 8 000 ans avant aujourd’hui, est assez bien représentée au Québec, puisqu’on a découvert une cinquantaine de sites. Plusieurs sites ont livré ces fameuses et magnifiques pointes de projectile aux retouches en pelure appelées pointes Plano : Rimouski dans le Bas-Saint-Laurent, La Martre et Sainte-Anne-des-Monts sur la Côte-Nord gaspésienne, près de la rivière Chaudière sur la rive sud de Québec ainsi que sur l’île Thompson, près de Cornwall, en Outaouais. À partir de différentes sortes de pierres, ils fabriquaient aussi des couteaux, des haches, des poinçons et racloirs pour la préparation des peaux.
Une très longue période pleine de changements
La période suivante, dite Archaïque est très longue puisqu’elle couvre environ six millénaires, de 9 000 à 3 000 ans avant aujourd’hui. Elle est d’ailleurs divisée en trois phases : ancienne, moyenne et récente. Les Amérindiens, plus nombreux, vont s’adapter à des conditions climatiques sans cesse changeantes. La partie sud du Québec, définitivement débarrassée des glaces, présente un paysage qui s’apparente à l’actuel. Au nord, de nouvelles régions s’ouvrent aux groupes archaïques au fur et à mesure que le glacier fond, soit jusque vers 6000 ans avant aujourd’hui. Trois millénaires plus tard, l’ensemble du territoire est parcouru par ces populations nomades. Le nombre de sites connus est assez éloquent : plus de 800 !
Les Amérindiens de l’Archaïque exploitent toutes les ressources animales et végétales disponibles. Ils vivent un nomadisme saisonnier en fonction des disponibilités des ressources de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Leurs outils se diversifient de même que les techniques pour les fabriquer, comme la taille, le bouchardage et le polissage. Ils martèlent également le cuivre natif pour s’en faire divers objets. La diversité des matières premières utilisées en provenance de régions lointaines telles que le Labrador, le lac Supérieur et la Pennsylvanie, témoigne de l’étendue de leur réseau d’échanges et de communications.
Et n’oublions pas qu’une infime partie seulement de ce qui constituait la riche culture matérielle de ces populations nomades est parvenue jusqu’à nous car beaucoup de matériaux sont périssables et ont disparu au fil des millénaires. En effet, peaux animales, pièces de bois, écorces, ossements et coquillages étaient utilisés pour la confection d’outils, d’armes, d’ustensiles, de vêtements, de contenants, d’habitations, de pièces de jeux, de filets, d’embarcations, de parures et de quantité d’autres choses encore.
Leurs proies préférées sont les grands cervidés, bien que d’autres mammifères, de même que le poisson, complètent leur alimentation. Sur la Côte-Nord et sur le littoral gaspésien, ils chassent surtout les mammifères marins.
Ils se distinguent aussi par une grande diversité culturelle suivant les environnements dans lesquels ils vivent. Les archéologues identifient trois « traditions » : l’Archaïque laurentien dans la vallée du Saint-Laurent, l’Archaïque du Bouclier qui englobe la vaste région du nord de la vallée du Saint-Laurent et l’Archaïque maritime qui touche la Basse Côte-Nord.
Une ère d’abondance, la période sylvicole
À partir de 3 000 ans avant aujourd’hui, un dynamisme culturel puissant se manifeste chez les populations autochtones qui sont en pleine croissance démographique. Le nombre de sites archéologiques datant de cette période est d’ailleurs éloquent: plus de 1000 sont répartis dans toutes les régions du Québec! C’est durant cette période que des groupes de chasseurs-cueilleurs, apparentés par la langue et venus des Grands Lacs, occupent une partie de la vallée du Saint-Laurent. Ils adoptent peu à peu des innovations importées du sud comme la poterie et la culture du maïs. La cueillette de fruits, de plantes et de graines, prend une place plus importante dans l’alimentation à côté de la chasse et de la pêche. C’est la période dite Sylvicole qui, comme celle de l’Archaïque, est divisée par les archéologues en trois phases : inférieure, moyenne et supérieure.
Des changements à l’horizon
Pendant la première phase qui débute, il y a 3 000 ans, l’utilisation de la poterie nouvellement adoptée est encore peu répandue et les modes de vie ne sont pas très différents de ceux des périodes plus anciennes. Comme pendant la période archaïque, les matériaux utilisés pour la confection des outils sont parfois exotiques : quartzite de Mistassini, de Ramah au Nouveau-Québec, jaspe de la Pennsylvanie, cuivre du lac Supérieur, montrant une sphère d’interactions d’échanges et de contacts très vaste. Cependant, la mobilité des groupes semble moindre: les Autochtones fréquentent plus souvent les mêmes lieux et les occupent plus intensivement. Ce qui distingue surtout cette période, c’est ce que les archéologues appellent l’épisode Meadowood, une tradition culturelle qui se distingue par son abondante production d’outils en pierre. Cette tradition se caractérise aussi par un mode particulier d’ensevelissement des morts : la crémation dans des fosses avec de magnifiques offrandes telles que des pierres aviformes, des bifaces de cache en chert Onondaga, matériau provenant de la région de la péninsule du Niagara au nord du lac Érié, des gorgerins d’ardoise polie, des perles en cuivre natif…
Plus de poterie et moins de déplacements !
Par contre, pour le Sylvicole moyen qui débute il y 2 400 ans, le nombre de sites connus dépasse 300 alors que pour la période précédente, ils sont moins d’une centaine. De plus, retrouve un plus grand nombre de sites du Sylvicole moyen à des latitudes plus nordiques que ceux du Sylvicole inférieur. La croissance démographique et la compétition grandissante pour les ressources en sont certainement les causes principales. De manière générale, la mobilité des populations du Sylvicole moyen semble diminuer graduellement. Ainsi, certains sites représentent vraisemblablement des lieux de rassemblement où l’on effectue des séjours prolongés, du printemps à l’automne. On y consomme une plus grande variété d’espèces qu’autrefois, avec davantage de ressources aquatiques: collecte de mollusques, pêche de nouvelles espèces de poissons ignorées jusqu’alors. Ainsi, sur le site de Pointe-du-Buisson, les archéologues ont pu identifier 24 espèces de poissons qui constituent 83% de l’ensemble de la collection faunique! Enfin, l’utilisation de vases en argile s’accroît. Les décorations sont abondantes et varient suivant les époques. La présence fréquente de croûte de carbonisation sur la paroi interne des tessons de poterie est un indice intéressant : les contenants semblent avoir été surtout utilisés pour la cuisson et non l’entreposage.
Comme à la période précédente, pour les outils de pierre, il existe une très grande variabilité des matières premières identifiées qui attestent de l’existence d’un vaste réseau d’échanges s’étirant de la péninsule du Niagara jusqu’au Labrador et à la Pennsylvanie en passant par le Maine et le Vermont !
Le peuple du maïs
Fruit d’un très long processus, vers l’an 1000, les groupes de chasseurs-pêcheurs se sédentarisent avec la culture du maïs, de la courge, de la fève, du tournesol et du tabac. Ce sont les Iroquoiens du Saint-Laurent. Ils construisent de gros villages de maisons longues entourés de palissades et peuplés parfois de plus de 2 000 personnes!
Au début du 16e siècle, Jacques Cartier découvre dans la vallée du Saint-Laurent, ces villages d’agriculteurs iroquoiens, comme Hochelaga (Montréal) et Stadaconé (Québec). Toutefois, à l’arrivée de Champlain en 1603, les Iroquoiens du Saint-Laurent ont disparu : famine, épidémie, guerres? L’archéologie n’y a pas encore répondu! Suite à leur disparition, des groupes autochtones comme les Micmacs, les Malécites, les Algonquins et surtout les Montagnais occupent alors les rives du Saint-Laurent. À cette époque, la région du Bouclier continue d’abriter des populations algonquiennes de chasseurs-cueilleurs nomades qui exploitent de vastes territoires et qui ont des contacts épisodiques dans certaines régions avec les ancêtres des Inuits.
Algonquiens, Iroquoiens et Inuits
Les Autochtones du Québec appartiennent à deux familles linguistiques et culturelles, la famille algonquienne et la famille iroquoienne.
- Les Abénaquis, les Algonquins, les Attikameks, les Cris, les Innus, les Malécites, les Micmacs et les Naskapis font partie de la famille algonquienne.
- Les Hurons-Wendats et les Mohawks font partie de la famille iroquoienne.
Les Inuits, dont les ancêtres sont issus d’une vague de peuplement plus tardive, forment un groupe ethnique distinct qui appartient à une seule et même famille, la famille eskaléoute.
Chronologie du peuplement autochtone jusqu'à la période historique
DATE (années avant aujourd’hui) |
ÉVÉNEMENTS |
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Vers 12 000 |
Des Autochtones en provenance du sud et de l’ouest pénètrent sur le territoire actuel du Québec. Appelés Paléoindiens, ils sont spécialisés dans la chasse au caribou. Ils fréquentent les régions de l’Estrie, de Rimouski et de la Gaspésie. |
Vers 6 000 |
L’occupation autochtone s’intensifie. Ces populations nomades vivent de chasse, de pêche et de cueillette. L’exploitation de nombreuses ressources se traduit par la multiplication des outils en pierre taillée et en pierre polie. Cette période s’appelle l’Archaïque. |
Vers 3 500 |
La population augmente et les modes de vie se transforment particulièrement dans la région laurentienne. L’emprunt de la céramique et de l’agriculture à des groupes établis plus au sud caractérise cette période dite du sylvicole. |
Vers 1000 |
Les populations iroquoiennes du Québec méridional se sédentarisent, pratiquent l’horticulture et vivent dans des maisons longues dans des villages pouvant contenir jusqu’à 2 000 personnes. Ce sont les Iroquoiens du Saint-Laurent qui étaient présents sur les bords du fleuve Saint-Laurent à l’arrivée de Jacques-Cartier en 1534. Quant aux populations algonquiennes, elles continuent d’exploiter les ressources de leur environnement en pratiquant la pêche, la chasse et la cueillette. |
16e siècle |
Les Iroquoiens du Saint-Laurent sont en guerre avec les Hurons et les Algonquiens. En 1608, ils ont disparu de la vallée du Saint-Laurent. Cette disparition est l’objet d’un vif débat tant chez les archéologues que chez les historiens. |
Et les ancêtres des Inuits?
Les descendants des Thuléens, les Inuits, occupent actuellement les côtes de l’Arctique québécois et du Labrador. Leur tradition orale, rapportée depuis le 17e siècle par les explorateurs, les missionnaires et les commerçants, complète l’information archéologique disponible sur l’incroyable adaptation humaine en milieu arctique. Et les ancêtres des Inuits?
Des Paléoesquimaux qui s’adaptent à un milieu rigoureux et changeant
Il y a près de 4 000 ans, avant l’arrivée des Inuits actuels, des groupes de chasseurs nomades originaires de l’Alaska et de la lointaine Sibérie atteignent l’Arctique oriental et explorent la baie d’Hudson et la côte du Labrador. Les archéologues les appellent les Paléoesquimaux : Prédorsétiens et Dorsétiens. Ils chassent les mammifères marins et le caribou. De nombreux vestiges de leurs campements ont été mis à jour : restes d’habitations, d’outils et d’armes en pierre, en os et en ivoire. Des sites dorsétiens ont été retrouvés jusqu’à Terre-Neuve et sur la Basse-Côte-Nord.
Les Thuléens, les ancêtres des Inuits d’aujourd’hui
Vers l’an 1000, une seconde migration se produit : des chasseurs de grands mammifères aussi venus d’Asie, porteurs de la culture dite de Thulé, fréquentent l’Arctique oriental pour enfin occuper les régions parcourues par les Paléoesquimaux. Les Thuléens ont des techniques et un équipement extrêmement bien adaptés à l’exploitation du milieu maritime : embarcations, traîneaux, arcs, lances, javelots et harpons.
Chronologie du peuplement inuit
DATE (années avant aujourd’hui) |
ÉVÉNEMENTS |
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Vers 4 000 |
Des populations de l’Arctique de l’Ouest poursuivent leur migration vers l’est du continent. On les appelle les Paléoesquimaux. Ils s’établissent dans l’Arctique québécois pendant 1 500 ans et vivent de la chasse aux mammifères marins et terrestres. D’après les résultats des recherches archéologiques, ces populations se sont fixées il y a 2 500 ans sur un même territoire. |
Vers 1000 |
Il y a 1000 ans, se produit une autre migration, celle des Néoesquimaux, en provenance de l’Arctique de l’Ouest. Après avoir traversé rapidement l’Arctique canadien, ils semblent remplacer les populations paléoesquimaudes qui disparaissent presque totalement de leur territoire traditionnel. Les Néoesquimaux sont les ancêtres de la plupart des Inuits d’aujourd’hui. |